Pourquoi la réparation console reste hors-jeu dans la législation
Droit à la réparation

Pourquoi la réparation console reste hors-jeu dans la législation

Surprise ! Votre console ne fera pas fondre votre visage façon Lost Ark si vous l'ouvrez.

Nous avons fait de grands progrès dans la protection de notre droit à réparer les objets qui nous appartiennent. Mais si vous avez lu les notes en bas de page des récentes lois sur le droit à la réparation, vous avez peut-être remarqué qu’elles omettent les consoles de jeux. Côté USA, la loi californienne sur le droit à la réparation s’applique aux tablettes, aux téléphones, aux ordinateurs portables, aux réfrigérateurs et aux machines à laver… mais pas aux consoles de jeux. Et le projet de loi sur le droit à la réparation adopté dans l’Oregon prévoit exactement la même exception.

Le projet de loi de New York sur le droit à la réparation inclut techniquement les « consoles de jeux et de divertissement », mais il souffre d’une grosse lacune : les fabricants de consoles ne sont pas tenus de partager les pièces, les outils ou la documentation « d’une manière qui soit incompatible avec une loi fédérale ou en violation d’une telle loi ». Pourquoi une loi fédérale ? La loi américaine sur les droits d’auteur, croyez-le ou non, rend illégal le contournement des logiciels qui rendent impossible de changer un lecteur de disque sur une console – nous y reviendrons tout à l’heure. 

Bien que les lois soient un peu différentes, la situation n’est pas très différente de notre côté de l’Atlantique. Dans l’UE, les consoles de jeux ne font pas partie de la directive sur l’écoconception. En effet, elles sont couvertes par un accord volontaire qui ne tient pas compte des réparations consoles DIY. Cet accord prévoit que « les réparations utilisant des composants [clés] » tels que le stockage ou le lecteur optique peuvent être « effectuées dans un environnement de réparation spécialisé » par des « centres de réparation ou de reconditionnement agréés ».

De quoi s’agit-il ? En bref, les consoles de jeux comportent des pièces appairées conçues pour empêcher le piratage, et la réparation console s’est retrouvée prise entre deux feux. Les fabricants brassent beaucoup d’argent. Leurs lobbyistes ont réussi à se frayer un chemin à travers toutes les lois sur le droit à la réparation qui ont été adoptées jusqu’à présent.

Examinons de plus près les arguments qu’ils avancent, mais tout d’abord, nous tenons à mettre les choses au clair : limiter la réparation console nuit aux centres de réparation et aux gamers.

La réparation console a besoin d’un coup de pouce

La réparation des consoles de jeux est hors-jeu… Nous avons interrogé des centres de réparation de console de jeux dans le monde entier, et ils ont témoigné du fait que les réparations consoles étaient souvent bloquées par les restrictions imposées par les fabricants. Les consoles présentant certaines des défaillances les plus courantes – disques durs et lecteurs de disque cassés – sont difficiles à réparer. Non pas en raison d’un manque de compétences ou de savoir-faire, mais parce que les fabricants mettent des bâtons dans les roues. Parmi les centres de réparation que nous avons interrogés, 93 % déclarent avoir des difficultés à réparer les consoles dont le lecteur de disques est cassé. Plus de la moitié des centres ont accumulé des consoles cassées, impossibles à réparer.

Les lobbys de la branche des jeux vidéo mènent une lutte acharnée contre la réparation console

La quasi-totalité des projets de loi sur la réparation électronique que nous avons soutenus dans les États fédérés des États-Unis incluaient les consoles de jeux dès le départ. Mais un grand groupe de lobby s’y oppose sans relâche : l’Entertainment Software Association (ou ESA).

L’ESA peut s’enorgueillir d’une impressionnante liste de membres.

L’ESA représente les trois grands fabricants de consoles, Sony, Microsoft et Nintendo, ainsi que des producteurs de jeux comme EA, Ubisoft, Activision Blizzard, etc. Si le nom « ESA » ne vous dit rien, vous êtes peut-être plus familier avec leur (ancien) événement annuel, l’Electronic Entertainment Expo (E3). En plus de l’organisation d’événements à grande échelle, l’ESA envoie également des représentants dans tout le pays pour défendre le droit à la réparation devant les assemblées législatives au nom des fabricants.

La position de l’ESA contre le droit à la réparation pourrait se résumer ainsi : instaurer le droit à la réparation pourrait avoir un impact rapide et gravement préjudiciable sur l’industrie du jeu vidéo et le grand public, quelle que soit la limitation de son champ d’application.

C’est une position plutôt radicale. Quelle absurdité de considérer comme inacceptable toute obligation de réparabilité, aussi limitée soit-elle. Les gamers et les fabricants ne veulent-ils pas que leurs consoles restent fonctionnelles ? Pourquoi l’ESA s’accroche-t-elle à l’idée que la réparation console DIY a un effet néfaste sur l’industrie du jeu vidéo ? 

L’ESA évoque le piratage (que les pièces remplaçables et l’accès aux schémas et aux outils de calibrage sont censés favoriser) et la longévité des consoles (que nous, simples particuliers, sommes censés compromettre en ouvrant nos propres appareils). Mais les effets sur le piratage sont controversés, et nous savons que la réparation de console est possible, sans pour autant encourager le piratage ou nuire à la longévité – il suffit de penser au succès fulgurant de la Steam Deck

L’équivalent européen de l’ESA, Video Games Europe (VGE), a accueilli favorablement la proposition de la Commission européenne sur le droit à la réparation en 2023, mais ses arguments contre les réparations indépendantes ressemblent beaucoup à ceux de l’ESA. Le VGE insiste sur la nécessité d’une autorisation pour garantir les « normes de qualité et de sécurité requises ». De plus, il exprime son inquiétude quant aux « droits de propriété intellectuelle des fabricants de consoles et des développeurs de jeux vidéo ».

L’un des arguments préférés de l’ESA, répété à la fois dans ses positions écrites et dans ses témoignages législatifs, est le suivant : il n’y a pas vraiment de besoin pour la réparation console DIY ou indépendante parce que les fabricants offrent déjà « des services de réparation faciles, fiables et abordables ». Quelle belle phrase, mais reflète-t-elle la vérité ?

Est-ce facile de faire réparer sa console dans les réseaux agréés par le fabricant ?

À vrai dire, il n’y a pas de réponse unique. Le fait qu’il est plus facile d’effectuer une réparation soi-même ou de s’adresser à un fabricant peut varier considérablement. Cela dépend du type de réparation dont vous avez besoin, de votre niveau d’expérience, de la patience dont vous disposez pour emballer votre appareil et attendre son retour, de l’infrastructure postale de votre lieu de résidence et de la facilité avec laquelle vous dépensez votre argent durement gagné.

Perso, je préfère déposer ma console dans un atelier de réparation local entre deux courses plutôt que perdre du temps à acheter du papier bulle, un carton et à imprimer des bordereaux d’expédition.

Certains trouveront sans doute plus simple de payer une redevance, envoyer la console par la Poste, se priver de jeux pendant quelques semaines, puis garder un œil sur les pirates de porche en attendant le retour de leur appareil. D’autres trouvent plus facile de déposer leur console dans un atelier de réparation local. D’autres encore préfèrent éviter la corvée dépôt-recherche-emballage-email, n’ont pas les moyens de payer la réparation, ou n’ont tout simplement pas envie que d’autres personnes s’occupent de leurs affaires. Ces personnes préfèrent commander une pièce, prendre un tournevis et ouvrir l’appareil elles-mêmes. À chacun son truc. 

Tout cela pour dire que « facile » n’a pas la même signification pour tout le monde et que s’il n’y avait pas un marché de personnes qui préfèrent prendre les choses en main, iFixit n’existerait pas. À nos yeux, la vraie question est la suivante : voulez-vous vraiment que le fabricant décide de ce qui est « facile » pour vous ? Car perso, on aime avoir le choix entre plusieurs options. 

Rendre la réparation pro plus accessible

Les centres de réparation locaux sont l’une de nos options préférées pour les personnes qui ne se sentent pas prêtes à se lancer dans la réparation console DIY.  Pouvoir discuter avec des personnes spécialisées dans la réparation électronique présente un intérêt évident. Elles possèdent l’expertise nécessaire, peuvent vous renseigner sur leurs capacités de réparation, vous faire un devis et vous indiquer le délai estimé pour l’intervention. De plus, vous savez où se trouve votre bien et qu’il est à portée de main, si jamais vous changez d’avis au sujet de la réparation. Nous pensons, et la Federal Trade Commission des États-Unis est d’accord avec nous, que les centres indépendants sont tout aussi qualifiés pour effectuer des réparations que les centres agréés par les fabricants. Si les fabricants de consoles ne sont pas convaincus, ils sont invités à proposer leurs propres centres de réparation sans rendez-vous. Plus on a d’options, plus on rit.

Microsoft, par exemple, avait autrefois des boutiques en dur qui s’occupaient de l’entretien et de la réparation console.  Les États-Unis en comptaient plus de 80, répartis dans 35 États. Toutefois, ces boutiques ont disparu au profit d’un modèle d’envoi par la poste et de partenariats avec Best Buy, qui ne sont proposés que dans 20 États à l’heure où nous écrivons ces lignes. La plupart des fabricants de consoles n’offrent pas du tout d’options locales de réparation gérées par le fabricant. 

Ce manque flagrant d’options de réparation n’inspire pas confiance dans le dévouement des fabricants envers leur clientèle.  Si vous voulez que les gens fassent confiance à vos techniciens pour les réparations, vous devriez faire en sorte que votre clientèle puisse les rencontrer.

En toute honnêteté, Microsoft s’est engagé à réduire les entraves à la réparation en proposant des pièces détachées pour certains appareils et en développant les sites de ses fournisseurs de services agréés.  Toutefois, aucune des pièces de rechange proposées n’est destinée aux consoles – pour l’instant – et « développer les sites » ne signifie probablement pas ouvrir de nouvelles boutiques pour l’écosystème de la réparation. 

Ces sites fournisseurs de services agréés sont presque toujours des centres de réparation indépendants préexistants, qui ont été « agréés » pour effectuer certaines réparations et qui ont obtenu le privilège d’acheter des pièces directement auprès du fabricant.  Ce n’est donc pas parce qu’il y a de nouveaux sites qu’il y a plus d’endroits où faire réparer votre console. En fait, historiquement, ce genre de site a conduit à une réduction du nombre de réparations possibles.

« Nous avons réparé plus de 30 000 appareils.  Moins de 5 % auraient été considérés comme réparables par un centre de réparation agréé. »

Jessa Jones, réparatrice hors pair et fondatrice d’iPad Rehab.

Quand Apple a mis en place ses programmes de réparation indépendants, les limitations strictes imposées ont en fait conduit à une réduction des types de réparation que les centres indépendants sont autorisés à effectuer. Si les fabricants de consoles choisissent de suivre l’exemple d’Apple, ils pourraient de la même manière « développer » les options de réparateurs agréés d’une manière qui empêcherait simultanément ces magasins d’effectuer de nombreuses réparations nécessaires. Si vous ne pouvez pas les vaincre, contrôlez-les.

Est-ce fiable de faire réparer sa console dans les réseaux agréés par le fabricant ?

Nous connaissons bien les fabricants et les groupes de lobby qui luttent contre la réparation électronique DIY. Ils tentent souvent de justifier leur opposition en laissant entendre qu’il s’agit d’un travail de qualité inférieure, dangereux ou peu fiable. Ces inquiétudes ont toujours été exagérées. Depuis toujours, les gens effectuent des réparations DIY sans se blesser ni commettre d’erreur (irréparable). Les inquiétudes des fabricants en ce qui concerne les performances de leurs produits et la sécurité de leur clientèle tiennent encore moins la route maintenant qu’Apple a lancé son programme de réparation en libre-service et que Microsoft a commencé à vendre des pièces détachées Surface et même des pièces Xbox – bien que pour l’instant, ces dernières ne soient vendues qu’aux États-Unis et qu’il ne s’agisse que de pièces de manettes, donc rien à l’intérieur de la console elle-même, pas de lecteurs de disques ni de cartes mères.

C’est beau à voir, mais le catalogue d’options manque crucialement de pièces console. Croisons les doigts pour que ce soit bientôt leur tour.

Ces célèbres fabricants (dont l’un est membre de l’ESA) adoptent enfin l’autoréparation ! De toute évidence, leurs experts ont confirmé ce que nous affirmons depuis le début. À savoir que fournir aux consommatrices et consommateurs des instructions détaillées étape par étape et un accès à des pièces et des outils de qualité ne conduit pas à ce que des légions de personnes poignardent au hasard les entrailles de leurs appareils avec des tournevis, comme dans une reconstitution impromptue des Ides de mars (chez nous, on ne poignarde les batteries qu’à dessein).

Les réparations électroniques effectuées par les fabricants ne sont pas toujours très fiables. La plupart des fabricants de consoles proposent des réparations par correspondance gratuites pendant la durée de la garantie de leur appareil. Il s’agit d’une procédure assez simple pour l’utilisateur si tout se passe comme prévu. Toutefois, envoyer un appareil à l’autre bout du pays ou de l’autre côté de l’océan n’est pas sans risque. Il est possible qu’il se casse ou perde pendant le transport, ou que des pirates du porche s’en emparent avant vous.

En outre, il se peut que vous ne récupériez même pas votre propre console. Parfois, le fabricant décide que le réparer n’en vaut pas la peine et renvoie un appareil de remplacement. « Lorsque mon ventilateur Xbox s’est cassé, témoigne Derek Stanford, sénateur de l’État de Washington, je n’avais qu’une seule solution : la renvoyer à Microsoft. Je devais la renvoyer à Microsoft. J’ai dû attendre plusieurs semaines, c’était cher, et puis j’ai récupéré un appareil qui n’était probablement pas celui que que j’avais envoyé. » Si ça, ça ne ressemble pas plus à de l’incertitude qu’à de la fiabilité…

On ne devrait pas devoir attendre des semaines (ou plus selon la difficulté de la réparation) que sa console passe entre de nombreuses mains juste pour réparer un lecteur de disque. On ne devrait pas devoir deviner si on va récupérer sa propre console ou une autre. On ne devrait pas devoir accepter l’éventualité de perdre sa console à jamais, alors qu’on aurait pu la réparer si le fabricant ne nous avait pas privés des moyens nécessaires. On devrait disposer de solutions praticables. 

Les réparations effectuées par le fabricant ont une date de péremption

La fiabilité ne dépend pas seulement de l’endroit où les réparations sont proposées ou de la personne qui les effectue, mais aussi de ce que les fabricants sont prêts à réparer. Nous savons que des contraintes contractuelles limitent les réparations dans les sites agréés et que les fabricants choisissent parfois de remplacer une console plutôt que de la réparer. Donc, quand ils effectuent des réparations, quel est le degré d’exhaustivité de leur offre de réparation interne ? 

L’ESA semble assez confiante dans le fait que les réparations électroniques effectuées par les fabricants sont la meilleure option pour maintenir une console en état de marche. « Les consoles de jeux vidéo sont utilisées pendant des années et sont souvent conservées pendant des générations », peut-on lire dans une position de l’ESA. Nous sommes tout à fait d’accord ! Mais c’est là qu’ils nous perdent : « Ce long cycle de vie a toutes les chances de se poursuivre si les réparations sont effectuées par le fabricant. Les anciens modèles de consoles sont toujours très populaires et disponibles sur les sites de vente en ligne. » 

Quelle ironie de louer la valeur des consoles au fil des années alors que les fabricants représentés par l’ESA et le VGE n’accordent pas la priorité à la réparation console des générations précédentes. À l’heure où nous écrivons ces lignes, et pour autant que les informations publiques en France le montrent, la liste des services de réparation proposés par Microsoft n’inclut ni la Xbox One ni la Xbox 360, Sony ne semble pas aller plus loin que la réparation PS4, et Nintendo ne propose des réparations que pour la famille des consoles portables 2DS et Switch (bien qu’ils orientent leur clientèle vers d’autres options pour les appareils non pris en charge).

Aucune marque ne peut assurer à vie l’entretien de tous les appareils qu’elle a fabriqués, nous savons bien à quel point cela peut être difficile. Mais des centres de réparation indépendants réparent chaque jour de vieilles consoles (à condition que les pièces nécessaires soient disponibles), ce qui remet en question la sincérité des propos de l’ESA sur la longévité des consoles.

Les « anciens modèles de consoles » auxquels l’ESA fait référence restent populaires, utilisables et précieux aujourd’hui, grâce aux efforts déployés hors réseau agréé. Efforts d’autant plus difficiles que les schémas ne sont pas disponibles et que personne n’est en mesure de s’approvisionner facilement en pièces d’origine avant que les consoles ne soient retirées de la vente. Les Xbox 360 et les PS3 qui resteront utilisables 25 ans après leur lancement – comme les Game Boy entretenues avec amour – le seront en dépit des entraves des fabricants, et non parce que leurs propriétaires se sont tenus aux réparations consoles dans le réseau du fabricant pendant les brèves années où elles étaient proposées.

En fin de compte, c’est simple : on ne peut pas compter sur un fabricant pour réparer tous les appareils qu’il fabrique, aussi longtemps que nous voulons continuer à les utiliser. Ils n’en ont pas la capacité. Au fur et à mesure qu’ils fabriquent de nouveaux produits, les fabricants doivent mettre fin à l’assistance pour les anciens. Mais il est absolument inutile de limiter les options indépendantes. Au contraire, la suppression de l’assistance devrait s’accompagner de la volonté de faciliter un choix plus vaste de réparations de haute qualité. Dans le cas contraire, les fabricants poussent de potentielles consoles rétro à la longue durée de vie, dans la tombe des e-déchets. 

En fin de compte, c’est simple : on ne peut pas compter sur un fabricant pour réparer tous les appareils qu’il fabrique, aussi longtemps que nous voulons continuer à les utiliser.

Si les fabricants de consoles étaient aussi soucieux de la durabilité qu’ils le disent, ils devraient fournir les informations nécessaires pour aider les adeptes de la réparation DIY et les centres de réparation indépendants à effectuer des réparations consoles plus proches des normes du fabricant. Ils devraient encourager l’achat de pièces détachées, avant que les consoles ne soient retirées du marché. Ils pourraient même tester et examiner les pièces d’origine tierce disponibles sur le marché, et donner leurs recommandations pour les consoles qu’ils ne prennent plus en charge.

La législation sur le droit à la réparation ne demande pas autant : il s’agit simplement de mettre sur un pied d’égalité la réparation DIY, les centres de réparation indépendants et les réseaux agréés par le fabricant. Le monde idéal doit commencer quelque part, et notre idéal est un éventail d’options viables et pratiques pour les personnes qui ont besoin de réparer leur console. C’est ainsi que nous pourrons faire fonctionner les consoles pour les générations à venir.

Est-ce abordable de faire réparer sa console dans les réseaux agréés par le fabricant ?

Le prix d’une réparation de console effectuée par le fabricant dépend aussi du timing. Si votre appareil est encore sous la garantie constructeur, vous pouvez le faire réparer gratuitement, ce qui est une excellente chose ! Toutefois, la garantie légale minimum des consoles ne dure que deux ans, et l’extension de garantie coûte cher.

Si votre console tombe en panne après expiration de la garantie, l’addition risque d’être salée. À titre de référence, nous utiliserons ce tableau super utile de Microsoft, qui détaille les coûts des réparations consoles et manettes hors garantie. Attention spoiler : ils sont salés. Traitez-nous de radins, mais à notre humble avis, payer 223 € pour une réparation Xbox Series S ou 335 € pour une réparation Xbox Series X n’est pas vraiment abordable. Cela représente environ 66 % du prix d’origine pour la première et 60 % pour la seconde, soit bien plus des 30 % du prix d’achat que la plupart des consommatrices et consommateurs sont prêts à payer pour une réparation. C’est d’autant plus grave que la génération précédente de Xbox (la Xbox One) a été remplacée par la Xbox Series X/S au bout de sept ans.

Mesurer la réparabilité

Les arguments de l’ESA contre la réparation console ne s’arrêtent pas à la formule « facile, fiable, abordable ». Elle est même allée jusqu’à citer les indices de réparabilité d’iFixit comme argument contre la réparation. Au début de l’année 2023, un de ses représentants s’est exprimé devant un comité canadien chargé de discuter d’un amendement relatif à la réparation, en déclarant : « Sur les sites Web comme iFixit, les consoles de jeu vidéo trônent toujours au sommet des palmarès pour leur réparabilité ». En gros, les consoles sont déjà tellement réparables que l’ESA ne voit tout simplement pas pourquoi les adeptes de la réparation veulent plus de ressources de la part des fabricants.

Voilà qui laisse perplexe, car nous venons d’écrire deux mille mots pour démentir les affirmations de l’ESA selon lesquelles il vaut mieux laisser le fabricant s’occuper de la réparation. D’abord, elle ne veut pas que le grand public répare ses propres consoles parce qu’il est évident qu’il ne peut pas le faire correctement. Ensuite, elle fait volte-face et affirme que la réparation console DIY est tellement facile qu’elle ne voit pas ce que nous pourrions attendre de plus d’eux. A-t-elle confiance dans les personnes qui savent bricoler ou non ? Ses outils et ses méthodes rendent-ils les réparations console DIY plus fiables ou non ? Si ce n’est pas le cas, pourquoi insister pour que les gens se tournent vers leur système de réparation plutôt qu’un autre ?

En ce qui concerne nos indices de réparabilité, nous en avons attribué des respectables à de nombreuses consoles par le passé. De nombreuses pièces consoles de jeux modernes sont physiquement faciles à remplacer. Mais même si certaines réparations consoles sont réalisables, des réparations très courantes sont bloquées par des verrous logiciels. À quoi bon démonter et installer une pièce détachée console si elle ne fonctionne pas par la suite ?

Peut mieux faire : la Xbox Series X a obtenu un 7 sur 10 avec notre ancien système d’annotation, avec une remarque importante au sujet des verrous logiciels.

De plus, il est difficile de résumer la réparabilité en un seul chiffre. Quand nous avons commencé à évaluer la réparabilité des consoles, nous n’avions jamais vu de réparations électroniques bloquées par un verrou logiciel. Comme elles sont de plus en plus courantes, nous avons récemment dû mettre à jour notre grille d’évaluation en y ajoutant une pénalité importante pour refléter le coup fatal que les verrous logiciels (aussi appelés appariement des pièces) peuvent porter à la réparation électronique.

Aujourd’hui encore, une console peut obtenir un indice de réparabilité global satisfaisant, même si elle perd des points en raison de certaines réparations bloquées par verrou logiciel. Pour compliquer les choses, les logiciels évoluent avec le temps. Si nous devions tester chaque mise à jour sur chaque console, nous perdrions la tête et nous ne pourrions plus rien faire d’autre. Aucune équation élaborée pour calculer ces indices de réparabilité ne sera jamais parfaite. Mais soyons bien clairs : aucun indice d’iFixit ne doit être interprété comme la validation d’un verrou logiciel !

Les verrous logiciels, ou comment porter un coup fatal à la réparation console…

En quoi consistent exactement ces verrous logiciels ? Dans un effort de lutte contre le piratage (soi-disant), les consoles incluent souvent des mesures techniques de protection (MTP) qui empêchent de changer le lecteur de disques d’une console. Ce terme englobe un certain nombre de méthodes utilisées pour empêcher l’accès à des contenus protégés ou leur copie. Elles peuvent exiger un mot de passe pour accéder à un service de streaming, imposer une limite de temps aux livres de la bibliothèque numérique ou activer le cryptage. Dans notre cas, il s’agit généralement d’empêcher le changement de pièces consoles de jeux vidéo.

Les microcontrôleurs constituent l’une de ces mesures de protection. L’objectif déclaré de ce choix de conception des lecteurs de disques des consoles est d’empêcher tout potentiel pirate de changer la pièce d’origine par une pièce trafiquée qui permettrait à l’utilisateur de lire des disques piratés. Et ils y parviennent plutôt bien. Mais hélas, cette méthode anti-piratage jette le bébé avec l’eau du bain ! En effet, elle ne se contente pas d’empêcher les actions malveillantes, elle empêche aussi toute une palette de réparations. 

Comment ça marche ? Même si vous avez un lecteur de disque Xbox One d’origine et en état de marche, pour changer le lecteur cassé de votre console, vous ne pouvez tout simplement pas intervertir les deux. Ce petit microcontrôleur associe numériquement le lecteur de disques à la carte mère qui l’accompagne. Un simple échange ne fonctionnera pas. Vous devez acheter à la fois un lecteur fonctionnel et la carte mère qui lui est associée. Ce qui n’est ni une mince affaire ni bon marché.

Bref, même si nous aimons ces consoles pour leur modularité, l’usage modéré de colle et leur facilité de démontage, notre grille d’évaluation de l’époque ne tenait pas toujours compte de ses considérations. Beaucoup de choses peuvent faire échouer une réparation : des pièces consoles indisponibles, des outils inaccessibles (physiques et numériques) et une documentation incomplète, pour n’en citer que quelques-unes. En faisant semblant d’ignorer l’importance d’un accès équitable aux pièces, aux outils et aux informations sur l’entretien, l’ESA se positionne fermement contre les intérêts de la communauté de la réparation et de la clientèle de ses membres.

Le piratage : un croque-mitaine qui tombe à pic

La guerre menée par l’industrie des médias contre le piratage semble ne jamais vouloir s’arrêter. Empêcher le piratage est une priorité pour l’industrie des jeux vidéo, mais à mesure que les stratégies anti-piratage deviennent plus complexes, notre capacité à effectuer de simples réparations console s’est retrouvée prise entre deux feux. Lorsqu’elle est confrontée à un texte législatif visant à instaurer un droit à la réparation, l’ESA cherche à faire feu de tout bois lors des auditions des commissions, et le piratage lui fournit de précieuses cartouches.  

Autant de consoles qui devraient être appréciées dans un foyer…

Bien sûr, les développeurs, les éditeurs et les fabricants veulent tous limiter les pertes potentielles de profits. Mais les mesures prises par les fabricants d’équipement d’origine pour empêcher le piratage rendent bien souvent la réparation indépendante impossible. Au début de l’année dernière, nous avons interrogé 91 centres de réparation à travers le monde. Plus de 66 % d’entre eux ont déclaré qu’ils disposaient d’un stock de vieilles consoles qu’ils ne pouvaient pas réparer en raison de lecteurs de disques appariés. Quelques-uns ont déclaré avoir plus de 20 consoles irréparables sur les bras pour le même problème. 

Si l’on tient compte du fait que ces consoles ne seront pas prises en charge éternellement par le fabricant, l’avenir s’annonce plutôt sombre : encore plus de consoles irréparables resteront dans les arrière-boutiques parce que la seule utilisation possible sera de récolter des pièces consoles – enfin celles épargnées par l’appariement des pièces.

Les mesures prises par les fabricants de consoles pour empêcher le piratage ont des effets négatifs considérables sur l’écosystème de la réparation console. Les fabricants peuvent prétendre devant les assemblées parlementaires que ces mesures sont nécessaires pour que les jeux restent rentables et « l’incitation à la création » bien vivante, mais certaines études ont semé le doute quant à la véracité de ces affirmations. Une étude menée à la demande de l’UE en 2015 a révélé que le piratage pourrait en fait augmenter les ventes de jeux vidéo. Une enquête de PC Gamer a constaté que de nombreux pirates achètent légalement des jeux qu’ils ont déjà piratés. La question mérite donc, au minimum, un débat.

« Pour les jeux, l’effet estimé des transactions illégales en ligne sur les ventes est positif, ce qui signifie que la consommation illégale entraîne une augmentation de la consommation légale. Cet effet positif des téléchargements et streamings illégaux sur les ventes de jeux peut s’expliquer par le fait que l’industrie réussit à convertir les utilisateurs illégaux en utilisateurs payants. » (caractères gras par iFixit)

Estimation des taux de déplacement des contenus protégés par le droit d’auteur dans l’UE – Rapport final

Mais franchement, se creuser la tête pour savoir si et comment le piratage nuit à l’industrie des jeux vidéo n’a pas d’importance à nos yeux. La réparabilité est notre principale préoccupation, et nous sommes convaincus qu’il est à la fois possible et impératif que la réparation soit protégée quand les fabricants luttent contre le piratage. L’appariement des pièces impacte fortement la réparation électronique, donc il doit disparaître, ou évoluer.

Si les fabricants se soucient de leur clientèle et de la longévité de leurs consoles, ils ne doivent pas se reposer sur leurs lauriers avec la « solution » incroyablement défectueuse de l’appariement des pièces pour lutter contre le piratage physique des jeux vidéo. Une solution qui rend presque impossible tant de réparations consoles courantes est une mauvaise solution. Point barre. Il n’y a vraiment pas d’autre solution ? Il n’y a aucun moyen de créer un outil logiciel qui permette aux gens d’associer un nouveau disque à leur carte mère ? À d’autres !

La réparation console est la réponse, pas l’ennemie

Les consoles de jeux, comme tous les appareils électroniques, succombent tôt ou tard à l’entropie. La nécessité de la réparation est incontournable. L’ESA et le VGE voudraient nous faire croire que les fabricants et leurs réseaux de réparation couvrent tous nos besoins, mais ce n’est pas vrai. En fin de compte, comme pour tant d’autres questions qui entravent la réparation, la concurrence loyale et la transparence sont des facteurs clés. Elles permettent un meilleur accès et une tarification plus équitable, deux choses dont le grand public a besoin. Mais les fabricants préfèrent faire comme si l’écosystème actuel de la réparation console ne posait aucun problème.

L’ESA peut continuer à répéter son slogan « facile, fiable et abordable » autant qu’elle le souhaite. Elle peut attiser la peur du piratage. Mais dès que les appareils des consommatrices et consommateurs tombent en panne dans les années qui suivent la garantie, les options sont plutôt limitées. Nombre d’entre eux sont confrontés à une facture salée pour la réparation, à l’achat d’une nouvelle console ou, s’ils ne peuvent pas se permettre ces options, à la destruction de la console et de ses jeux. Certains d’entre eux perdent leurs illusions. D’autres commencent à chercher une solution alternative auprès de leurs concurrents ou d’eux-mêmes. Dans ce cas, nos tutos iFixit sont là pour leur expliquer comment réparer ce qui est réparable. Et des articles comme celui-ci leur expliquent comment les fabricants ont délibérément rendu le reste irréparable.

Je ne suis pas voyante, mais j’entrevois un avenir où le manque de flexibilité des fabricants sapera la confiance et la fidélité de la clientèle envers leur marque, pour lesquelles ils ont travaillé si dur pourtant. Les consoles de jeux occupent une place particulière dans la société actuelle, mais si les réparer continue à coûter les yeux de la tête, il ne faudra pas s’étonner si les gens passent à autre chose. 

Un PC gamer peut offrir une expérience plus réparable, plus modulaire et plus customisable. La Steam Deck dispose d’un support robuste pour les réparations DIY, offre une alternative aux consoles portables comme la Switch, et peut se connecter à la télé comme une console traditionnelle. Lorsque la prochaine génération commencera à se profiler à l’horizon, les alternatives pourraient bien attirer les personnes qui ont dû dépenser des centaines d’euros pour réparer ou remplacer leur console actuelle. Et il n’est pas difficile de comprendre ce qui les motivera !

Pour demander aux fabricants de rendre les consoles de jeux réparables, militez pour le droit à la réparation avec un réseau de plaidoyer local !

Cet article a été traduit par Claire Miesch.